Vivre l’indicible et dire sa souffrance. Lire quelques lignes et partager la douleur d’une sœur dont l’innocence a été violée. Qu’Allah apaise les maux de celles et ceux qui ont vécu le pire et qu’Allah préserve nos enfants de ces épreuves.

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Enfance abusée

Si je vous écris aujourd’hui c’est pour soulever un sujet qui fait mal, qui fait honte et qui gêne. Je vous ai contacté avant tout parce qu’après 26 ans de silence qui étouffe j’ai besoin de parler pour me libérer de ce poids… Merci de me laisser la parole.

Tout commence il y a 20 ans, lorsqu’âgée d’à peine 5ans 1/2 une personne de ma famille a sali mon honneur, brisé ma vie et atteint mon âme de la manière la pire qu’il soit en abusant de moi.

Cela a duré 2 longs mois, tous les jours, en me faisant culpabiliser, en me menaçant, en m’assenant  des phrases du type « T’es dégueulasse. Ce que t’as fais c’est grave » et en me faisant chanter la plupart du temps « soit tu le fais, soit je vais dire à ton père que tu l’as déjà fait et il va te tuer ».

J’avais 5ans 1/2 !!!!!!!

Les vacances se sont terminées, les années ont passé et j’ai oublié tout cela jusqu’à l’hiver de mes 10 ans lorsque cette ordure est réapparue dans ma vie.

Un après-midi durant lequel je jouais dans le salon il est arrivé. Il a attendu que tout le monde parte et moi, paniquée, j’ai attrapé ma soeur de 4 ans à l époque et l’ai serrée contre moi en me disant qu’il ne me ferait rien… mais c’était mal penser.

J’ai eu droit à toutes sortes de remarques, dont une bien particulière « Viens dans la chambre ou je vais dire à ton père ». Voyant que ça n’avait eu aucun effet il m’a dit « Je prends …. (ma soeur) à ta place alors ? ». Et là ce fut le choix le plus atroce que j’ai eu à faire de ma vie : me lever et le suivre, ou risquer de faire subir la même chose à ma petite sœur. Je me suis levée pour le suivre et al hamdoulilah mon père est arrivé à ce moment précis, me permettant d’éviter un nouveau traumatisme insupportable.

La descente aux enfers

Après cela, 10 ans passèrent sans le revoir al hamdoulilah. Seulement, ces années sont une période creuse de ma vie durant lesquelles, enfermée dans mon silence et ma souffrance, je me suis refugiée dans la nourriture pour gommer mon corps et empêcher toute forme d’attirance possible. Je pesais 128 kilos à 15 ans et je n’ai vécu qu’à moitié, perdue entre le besoin d’être appréciée et le besoin viscéral de passer inaperçue. Le seul regard d’un homme posé sur moi, quel qu’il soit, me mettait dans une panique folle et en même temps le fait d être ignorée m’enfonçait plus encore dans ma dépression…

L’enfance, cette période censée être magique, où aucun mal ne devrait effleurer et où l’innocence devrait être le berceau quotidien, cette partie magnifique de la vie ma été volée, arrachée…

S’en est suivie l’adolescence, qu’Allah me pardonne, je ne divulguerai pas mes péchés mais je dirais juste que je n ai pas respecté mon corps à sa juste valeur parce qu’on m’avait Sali. Je n’ai jamais été à mes yeux une fille bien, mais une fille souillée, née pour satisfaire les besoins viles d’un homme. Il y a eu tellement de rabaissement et de paroles qui ont été inséminés dans mon subconscient que la descente aux enfers a été une pente très longue, très raide et semée d’épreuves.

Retour à la vie : foi et amour

 Puis est arrivée ma 18ème année… cette année pendant laquelle j’ai rencontré l’homme qui serait mon époux et le père de mes enfants ; mon sauveur et ma raison de vivre mais ça je ne le savais pas encore… Lui  me voyait comme une jeune fille rebelle indomptable, comme un pari fou à relever. Impétueuse, effrontée, aimant la vie et sans peur du danger (je dirais maintenant sans aucune conscience). Effrayée et en même temps charmée, cet homme a été la cause du retour progressif  du dine qui avait déserté mon cœur (mon agresseur étant musulman, il avait réussi à voler aussi ma foi). La religion, évoquée avec tant de force, de ferveur et d’amour a commencé à retrouver petit à petit son importance.

Puis vint le moment du mariage : comment le dire à mon futur mari ? Comment lui expliquer tout cela? Je n ai pas pu lui dire. Quelques mois  de mariage passèrent et les relations charnelles étaient un véritable calvaire. Mon époux le ressentant,  quelques tensions sont apparues dans notre couple, au début minimes puis de plus en plus grandes. Je lui ai donc tout raconté et là le soulagement a été total. Après 23 ans de silence, j’avais enfin osé le dire à quelqu’un. Mon coeur a été plus léger mais pas entièrement. Je souffre toujours en silence. Personne ne le sait mis à part mon mari avec qui cela reste un sujet tabou, inabordable, parce que cela me met dans un état de mal-être horrible mais je vis, je souris et j ai, grâce à Allah par l’intermédiaire de mon mari, compris que la vie ne se résumait pas à ce que l’on nous a imposé mais à ce que l’on en fait. Subir certes mais avancer et dépasser tout cela c’est primordial. Il faut vivre sa vie pleinement et sans penser au passé ! Je ne vous dirais pas que je n’y pense plus  mais lorsque cela ne va pas je me réfugie auprès d Allah azzawajel car LUI seul dans sa Grandeur me soulage.

Aujourd’hui je suis mariée et j’ai  2 enfant. La première a 5ans ½… Elle a l âge où j ai perdu mon innocence et je ne permettrais jamais que cela arrive à mon bébé bi idni lahi…

Si je témoigne aujourd’hui, ô mes sœurs victimes, c’est pour vous informer que votre cas n’est pas isolé et que l’on peut s’en sortir. Al hamdoulilah j’ai une vie épanouie, consacrée à l’éducation de mes enfants, mon mari et mon dine al hamdoullah. Et j ai enfin compris, après tant de souffrance, que ce n’était pas ma faute, que je n’avais rien provoqué et encore moins encouragé comme mon bourreau me l’avait fait comprendre ! Malgré tout, je ne peux pas en parler à mes proches, la peur de faire souffrir et de ne pas être crue est bien trop grande et la douleur serait irréversible, donc je laisse ça au Jugement Dernier entre  les mains du Juste, de l’Irréprochable, du Très Haut, Allah soubhnahou wa ta’ala.

Préservez vos enfants.  Ne les laissez jamais en présence d’un homme quel qu’il soit, famille ou pas.