La photo d’une femme les cheveux à moitié couverts, un titre provocateur voulant mettre en opposition foi et liberté et LA question existentielle que tout le monde se pose et qui empêche la France de dormir sur ses deux oreilles : « Peut-on être féministe et musulmane, fidèle à sa foi et libre ? ». Voilà de quoi me faire dresser les cheveux sur la tête –eux-mêmes bien au chaud sous le voile ^^- à la lecture de cet article publié par un des symboles de l’asservissement de la femme au dictat de la « mode » et de l’exhibition.

En effet, sous couvert de vouloir donner la parole « aux femmes Françaises de confession musulmane de tous âges et de toutes conditions sociales », l’article a réunit tous les clichés qui nous entourent et entretient (volontairement ?) cette distinction entre les musulmanes « open » qui se sont rebellées contre leur famille, criant haut et fort que les interdits ne sont que traditions, et celles qui se plient aux obligations, les trouvent justes et normales et qui articulent leur quotidien autour et non pas l’inverse. Ce genre d’article veut imposer l’idée qu’il y a les ouvertes et les fermées, les modernes et les moyenâgeuses, les cultivées et les ignorantes, les illuminées et les faibles d’esprit, les gentilles et les méchantes, les batman et les joker (oups je m’égare là voilà l’effet de l’article sur mon esprit !), et bien sûr sans que les auteurs n’aient aucune connaissance du sujet traité (on ne leur demande pas non plus d’être des fouqaha mais juste de se renseigner un minimum).

Le sujet aurait pu être intéressant si les quelques vérités énoncées n’étaient pas noyées sous l’abondance des clichés. Voyez vous, même pour évoquer les nobles valeurs que sont la liberté et le féminisme on nous parle de l’entrejambe de la musulmane (qu’elle préserve à tort parce que même que c’est pas obligatoire), de ses cheveux (qu’elle couvre pour ne plus se faire draguer dans la rue). Nous avons également droit au petit laïus sur le patriarcat (on omet de dire que le matriarcat est présent dans de nombreuses communautés de confession musulmane), le mariage forcé, là aussi c’est drôle car même lorsque la jeune fille s’en remet au choix de ses parents VOLONTAIREMENT on parle de mariage forcé. Quel non sens ! Allez comprendre ! Le débat est élevé n’est-ce pas ?

Malgré tout cela, ce qui me marque le plus c’est que l’on a beau expliquer nos choix et nos convictions, soit on doit dénaturer notre religion pour être vue comme libre soit, si l’on souhaite respecter les prescriptions religieuses, nous sommes considérées comme faibles et/ou opprimées. On dirait qu’il est insupportable de concéder que le choix du voile, de rester au foyer ou d’avoir plein d’enfants, de ne pas avoir une grande carrière professionnelle (je reprends simplement les exemples fréquemment cités), ne peut être choisi, aimé et revendiqué sans qu’il n’y ait derrière une quelconque pression ou manipulation. Pourquoi ne pas accepter que l’on puisse vivre sa foi sans renier les autres, que l’on puisse porter un voile sans y être forcée. Qui donc peut encore penser que la foi et la liberté ne peuvent s’accorder ? Au contraire, la foi est une chose tellement intime et profonde qu’elle fait partie de ces choses que nul ne peut empêcher ou emprisonner. On peut enfermer un corps ou bâillonner une bouche, mais on ne peut pas aliéner ce sentiment d’amour qu’est la foi.

Finalement c’est ce genre de discours qui asservit la femme et qui est profondément antiféministe car il considère qu’à partir du moment où son choix est différent et dicté par ses croyances (et non par la norme et la pensée dominante) elle ne peut qu’être influencée ou conditionnée ; c’est un exemple flagrant d’infantilisation quoi que même les enfants sont traités avec moins de condescendance.

Donc pour répondre à la question (bien que je doute que la réponse n’intéresse réellement le demandeur) eh bien oui, on peut être une femme musulmane française voilée libre qui respecte sa foi et être, tout naturellement féministe. Non pas que je prône absolument une adhésion à cette idéologie mais selon moi, le féminisme est le respect de tous les choix de toutes les femmes. Nul besoin de les approuver ou de les comprendre mais il suffit simplement de les tolérer. Laisser chacune décider de ce qui est bon pour elle que ce soit au niveau de son vêtement, de son activité, de son désir ou d’avoir ou non des enfants, etc… Bref, que la femme puisse vivre ce qu’elle ressent en son for intérieur. Cela n’est en rien contradictoire avec la foi et rien n’empêche d’avoir un avis ou d’estimer que tel ou tel choix est néfaste pour celle qui le fait mais malgré cela ne pas tenter de lui imposer notre vision des choses et la laisser aller au bout de ses décisions et en assumer les conséquences. Encore une fois, pourquoi ne pas accepter que l’émancipation d’une femme passe par le respect des choix qu’elle a fait.

Concernant la femme musulmane, pas étonnant, lorsque l’on entend (entre autres) les énormités déclarées par nos consœurs, que nous soyons perçues comme des êtres dénuées de raison et que l’on veuille par conséquent nous discréditer et nous dévaloriser. Il est tellement plus facile de condamner la différence plutôt qu’apprendre d’elle.

En conclusion, après ce que j’ai lu, je réalise à quel point le chemin sera long et difficile, entre les falsificateurs, les non-musulmans qui veulent nous donner des leçons d’Islam et de liberté, et même les  dissensions intra-communautaires. Quel dur labeur nous attend si nous souhaitons pouvoir vivre libre et nous épanouir comme bon nous semble sans être analysées sous toutes les coutures et sans que, quoi que l’on fasse, ce soit toujours trop ou pas assez.