Suite à notre appel à témoignages, force a été de constater que les soeurs perçoivent de nos jours l’école publique plus comme un non-choix que comme une décision éducative assumée. Entre prône totalitaire de la laïcité, délitement des valeurs inculquées, sentiment d’exclusion et volonté de plus en plus affirmée de la communauté musulmane d’avoir voix au chapitre sur la société en devenir, l’école publique parait de moins en moins séduisante même si on lui reconnait certains avantages. Trois soeurs nous confient leur vision de l’école, leur parcours personnel ou encore leur désir en tant que maman.

casiers

Sarah, étudiante en Master

Pour ma part, j’ai réalisé mon cursus scolaire collège, lycée et licence (enseignement supérieur) dans des établissements privés sur choix de mes parents. Mais ce que j’en retiens, c’est qu’il y a un véritable suivi au niveau des présences et des notes et forcément, un accompagnement très fort de la part des professeurs. Or, c’est à cet âge là que l’on en a le plus besoin. On peut se sentir, plus jeune, parfois « trop » suivis justement mais on comprend avec le temps que c’est au final un avantage. Si mes moyens me le permettent j’aimerais offrir cet enseignement à mes propres enfants inshaAllah puisque je retire beaucoup de ces années. Par contre, pour ce qui est de l’enseignement supérieur, je n’irais pas jusqu’à regretter, mais je dirais qu’un établissement privé n’est pas nécessaire. Si l’on a pris de bonnes bases et habitudes de travail très tôt, on peut travailler de manière autonome à l’université sans problème. Il faut tout de même avouer que le privé offre de nombreux avantages : des facilités pour partir étudier à l’étranger par exemple, la renommée de l’école est aussi une belle carte de visite pour les entreprises. Pourtant, ce n’est pas primordial : j’ai réalisé mon Master de Marketing à l’université publique en alternance dans une entreprise qui me convenait parfaitement. L’argent et la « marque » ne feront jamais tout… L’expérience et les qualités sont tout aussi importants.

Priscilla, maman

J’ai choisi l’école publique par contrainte car je n’ai pas d’école privée musulmane à côté de chez moi et je me sens incapable de faire l’école à la maison. De toute façon même une école musulmane serait hors de mon budget, je ne pourrai pas y inscrire 2 enfants. J‘ai donc choisi cette école plus par obligation que par vrai choix mais je préfère cela à l’école à la maison car je ne suis pas assez créative et patiente pour cela.

Les points fort du coup sont la gratuité, la sociabilisation, les activités, les sorties et surtout la diversité des origines et religions que les enfants peuvent rencontrer.

Les points faibles (voire noirs lol) seraient ce qu’on leur inculque aux périodes de Noël surtout avec le père Noël. Là mes filles sont en maternelle mais en grandissant j’imagine qu’on va leur apprendre la théorie de l’évolution, la laïcité au sens d’interdiction de montrer son appartenance religieuse …

Donc oui j’ai des regrets et j’aurais préféré les mettre dans une vraie école laïque  le respect des croyances des autres est de mise. L’idéal serait une école musulmane mais pas du tout dans mes moyens financiers.

L’impact je ne le vois vraiment (pour le moment) que lors des périodes de Noël où il faut expliquer que toute l’école ment et que le père Noël n’existe pas. Personnellement c’est cette difficulté que je rencontre le plus. Je ne parle pas des gros mots car de toute façon, même en école musulmane les enfants pourront en dire. J’ai aussi entendu ma grande me dire à 4 ans qu’elle sera pas musulmane plus tard car elle veut être maîtresse. Donc pour elle une maîtresse n’est pas musulmane. Après, tout est question d’explications. Dans ce genre d’école il faut être à l’écoute de nos enfants et expliquer sans cesse l’islam, l’existence d’Allah et son importance dans notre vie.
Insaf
Je suis allée à l’école publique, toute ma scolarité, c’est le choix de mes parents. Les nouveaux immigrés de l’époque ne se posaient pas la question d’une école payante, ils avaient, à mon sens, d’autres préoccupations plus urgentes.
Pour moi, l’école publique française, quoi qu’on en dise, est respectable. Il faut recontextualiser, j’ai fait mon entrée à l’école fin 80’s début 90’s, les parents avaient un réflexe (naturel) communautaire et si l’école publique ne nous avait pas instruit les bases, aujourd’hui je ne serai pas capable de vous envoyer ce mail.
Elle est critiquable sur certains points, mais soyons honnêtes, la France à une école publique plutôt bonne, gratuite et qui prépare bien à la suite du cursus (collège, lycée..).
 
Les points forts :
– pied d’égalité avec les petits français (la même éducation scolaire, les mêmes « armes »)
– découvertes d’activités (pour ma part : équitation, kayak, sports en tout genre…)
– lieu de rencontre avec différentes cultures, ouverture d’esprit
 
Les points faibles :
– fort ancrage avec le passé judeo-chrétien de la France : les vacances sont liées à des évènement religieux… paradoxal dans un pays laïc ! On célèbre le papa Noël… bof bof
– à mon époque, l’absentéisme pour fête religieuse était moyennement apprécié
– les repas non halal à la cantine…
– dans la région où j’habitais, nos parents nouveaux immigrants étaient parfois regardés de hauts, une condescendance qu’aujourd’hui encore je vis mal.
 
Si j’ai un regret, c’est de ne pas avoir eu des cours de religion ou de lecture écriture arabe – mais ça, l’école publique n’en est pas garante, mes parents auraient peut-être dû s’en soucier.
Je n’ai pas encore d’enfants, j’espère une fois en avoir, avoir la possibilité de les envoyer dans une école musulmane mais qui devra être « ouverte ». Nos enfants doivent grandir dans une éducation saine, mais garder une curiosité qui me semble indispensable à leur développement. J’habite en région parisienne donc inchAllah je ne devrais pas avoir de mal à trouver une école, mais après il y a la question des moyens… Si je ne peux pas, je compterai sur l’école publique comme mes parents l’ont fait et hamdoulilah, j’ai bien grandi, bien appris ;-). L’école publique m’a appris à m’ouvrir aux autres (seule arabe musulmane dans ma classe pendant des années), à respecter les autres, à me dire que tout est possible (ou presque) quand on apprend. Aujourd’hui je ne me sens pas encore la force de faire l’enseignement à mes enfants, peut-être que dans quelques années cela sera le cas InchAllah 🙂