Notre chroniqueuse Saadia de One way to ihsan rend justice aux faux-plans en tous genres et aiguise sa plume incisive sur un sujet qui fait couler autant d’encre que de larmes : la mouqabala ! Enjoy !

muslim 

Salâm. Toi et moi allons nous marier et faire des bébés. Mais avant ça, passons par l’étape « mouqabala ».

Ce terme plutôt contemporain dans l’histoire des rencontres « à la musulmane », associé à celui de « ta’arouf », désigne l’action de se présenter, de faire connaissance pour un homme et une femme en désir d’union. Elle se déroule souvent en présence d’un tuteur (waliy) ou d’un chaperon (mahram).

Les gens n’ont pas appris à se rencontrer avec des chaperons, à parler diamètre de jilbeb et compétences culinaires. Les gens ont appris à s’aborder en rue, près d’un auditoire, durant un diner entre amis, sur le net ou encore en garant leur voiture près de la mosquée (bah quoi ?).

Alors, quand on leur demande de ranger leurs conceptions en la matière, de préparer une liste de questions, d’envisager leur vie de couple dans dix ans pour mieux appréhender les 3 heures 30 de discussion programmée après avoir laissé leur naturel dans leur chambre… Y a des parasites sur la ligne. Et parfois, on a envie de raccrocher et de résilier son abonnement. Qu’on ne me parle plus de mouqabala ! Mais faut bien se marier, donc on fait comment ?

D’après mes observations, je pense que chacune trouve sa voie. Quoi qu’il arrive, les plus sincères essayent de bricoler avec les moyens du bord. Quand on n’a pas un père opérationnel quand il s’agit de « ces délires d’extrémistes » et des frères qui nous renvoient vers un « débrouille-toi, j’suis pas ton père, c’est pas mon rôle », on bricole, y a pas d’autres mots.

Je nous crois tout simplement perdus. On part avec 15 voire 20 ans de retard à rattraper au niveau spirituel. On arrive sur des cendres, des bâtiments en feu qui représentent ce qu’on ne veut plus dans nos vies mais dont les flammes résistent encore, ici et là. Puis on nous balance des trucs du ciel, en nous disant « Voici ta nouvelle vie ! Voici tes nouveaux bagages ! Plie-t’y ! » Ce à quoi on a envie de répondre : quoi, on peut pas prendre un thé d’abord ?

Les mouqablablas, c’est comme dans les contes. Il faut frôler plusieurs crapauds pour tomber sur le modèle mariable. Sauf que ça n’a rien de magique et encore moins de romantique.

On stresse la veille, le jour même et une fois sur place. Je vais mettre quoi ? Je prends quel voile ? Je me maquille ou pas ? On a peur que l’autre ne nous plaise pas… Ou que notre packaging plastique ne convienne pas à l’autre. Un one shot pour éblouir l’étalon qui sera face à nous, ça met la pression.

Quand on veut s’octroyer le temps de creuser un peu plus, donner du naturel à ce qui ne l’est pas dans nos moeurs contemporaines, il nous faut plusieurs rendez-vous. Pour se sentir à l’aise, pour appréhender l’autre, pour se rassurer, pour s’imaginer avec cette personne qu’on ne connaissait pas il y a deux jours. Mais non, on nous met la pression. « C’est un type bien, il a une barbe » Ouais mais quoi ? En quoi sa pilosité faciale va m’aider?

• Y’en a pour qui ça fonctionne de suite. Effectivement, ça va vite quand les deux tourtereaux n’ont de critères que la couleur du jilbeb et les deux trois questions clés mais stratégiques de nos jours : polygamie – conduite – travail. Le triangle des Bermudes et j’espère que tu sais nager. « Tu ne conduiras pas, des jilbebs de préférence noirs tu porteras et obéissante, tu seras. » Voici les commandements du wedding express, où l’on a la conscience tranquille parce qu’on a suivi les étapes de la recette miracle du mariage halal 2.0.

• Soit on tombe sur celui qui nous est destiné et là, c’est la synergie parfaite. Physique : ok. Feeling : ok. Projets : ok. Background : ok. Tout est ok dans un monde déglingué. Qui l’eût cru ?

 • Soit ces mises en scène te mettent KO et là, chère amie, t’es la pestiférée du coin. « Nan mais attends, tu fais pas d’efforts, on t’a présenté des barbuchons sympas nous ! »

T’as essayé pourtant mais…

• L’animal t’a tenu à peu près ce langage : « J’aimerais une femme comme ma mère. » Désolée, mais je ne pratique pas les délires incestueux. S’il fallait parler d’Oedipe, on peut clairement dire qu’il y en a qui l’ont plus que raté.

• Ou… Le gars la joue réglo, yeux baissés, réservé et pudique sur 3 générations puis par on ne sait quel miracle, trouve ton numéro et t’envoie un iMessage car en wifi, tout est permis : « Salam oukhty, c’est Hamid Abou Ja’far. (Le gars a déjà le nom de votre premier gosse alors que t’as même pas pu distinguer la couleur de ses globes oculaires) alors, t’en as pensé quoi ? » Comprends l’hypocrisie ambiante : quand les yeux sont baissés sur l’iPhone, c’est pas interdit oukhty.

• Ou encore, plus moderne : on te le présente, tu fixes rendez vous sur Facebook parce que tu ne veux pas qu’il y ait échange de numéros, la marchandise ne plait pas à monsieur et il en perd soudainement tout savoir vivre. Te supprime le soir même de sa liste d’amis et joue les outrés par MP quand tu oses demander une explication. Non mais attends, tu conviens pas, on va pas en plus jouer le gentleman avec toi ?

 • Enfin… C’est le silence radio durant plusieurs jours. Tu t’interroges. Qu’ai-je mal fait ? Tu craques, tu fais le premier pas et… On te sort une explication fumeuse honteusement argumentée de versets pour te dire qu’un silence vaut un refus. Mets-toi à jour ma sœur, un p’tit effort.

Ce texte est avant tout justice faite à mes sisters qui sont tombés sur de gros boulets comme on en fait plus. Leur devise ? Toujours plus haut, toujours plus fort. Même si toutes ces rencontres ne sont pas forcément des échecs mais des occasions d’aiguiser notre vision de celui qui subira l’influence de nos hormones et nos merveilleuses personnalités.

Aussi pour celles qui ont évité les mines pour succomber au charme de leur actuel cher et tendre. Une demande : aimez-vous chaque jour plus en Lui.

Pour les autres, qui attendent un miracle… Attendez un miracle.

Célibatairement vôtre,

Saadia.