Au bord d’une autoroute s’improvise une aire de repos : le « berèd dial ètey » (théière de thé) prend place sur la « botagaz », les enfants courent autour de la voiture pleine à ras bord ! Papa se repose et détend un peu ses jambes avant de reprendre la route pour…le bled !!!

Le décor est planté : le bled…Mes racines, mes origines, mes meilleurs souvenirs de vacances…

Le trajet à lui seul devrait être homologué en tant que sport officiel aux J.O :  si vous cherchez qui a inventé le jeu Tetris, je vous invite à assister à une veille de départ et à un chargement de bagages. Tiens, parlons-en de cette série de bagages si design ! Des sacs GIGANTESQUES à carreaux -au choix- blanc et noir ou blanc et rouge !!! on aurait pu y cacher des cousins sans papier qui auraient voulu passer la frontière !

Interdiction de rentrer dans la voiture avec ses sandales ! Pendant quelques jours elle ne sera pas un moyen de transport, elle sera un membre de la famille à part entière. D’ailleurs j’ai ordre de ne pas trop bouger entre le service à vaisselle et le sac de repas d’où le parfum de casher et de feuilles de menthe se mélange à celle du pot d’échappement quand on ouvre les fenêtres !

La serviette de bain fait office de pare soleil, papa a préparé son pack anti-sommeil : pastilles de menthe, café et brumisateur l’accompagneront tout le long de son combat… euh de son voyage ^^

Un fond sonore que tout le monde connaît, c’est ma petite berceuse à moi : le bateau annonce son départ avec ce son propre à lui qui fait vibrer tous ces passagers : j’arrive ya bledi !!!

La première qui m’accueille c’est cette petite brise chaude si particulière qui me rappelle tout ce qu’est mon pays d’origine : les épices, terre de mes ancêtres, ce soleil si chaleureux, ce son indémodable qu’est le moteur des mobylettes, cette langue si familière et si étrangère à la fois pour moi, les mariages qui s’organisent dans les rues à l’aide de grandes tentes,  cette odeur de pain rond chez « celui qui possède des fours pour cuire notre khobz ».

Nous voici arrivés à bon port : les enfants courent derrière la voiture « des français » , d’autres au loin se regroupent autour de nos voisins, eux aussi venant juste d’arriver des Pays-Bas.

C’est un grand jour pour mes paires : la famille de l’étranger est enfin là et ses multitudes de cadeaux avec. Nous sommes le Père Noël halal du bled qui ne passe qu’en été !

Cette rue si mythique, c’est un peu notre Champs-Élysées à nous, sauf qu’on la trouve dans tous les quartiers cette rue : boutiques sur boutiques on y trouve notre supermarché du coin qui contient dans l’espace d’une chambre un milliers de produits – du fromage à l’ampoule en passant par des serviettes de bain au tournevis – finalement c’est un peu notre Ikea à nous ! Le boucher et ses clients préférés : les mouches ! Le salon de coiffure pour femmes INTERDIT aux hommes sinon

Tonton qui campe devant matin et soir va te montrer son lancer de sandales en plein visage ! Le vendeur de fruits secs grillés bat de loin toutes les confiseries de France ! La couturière et ses mamans qui font la queue devant la porte tant l’été est LA période pour coudre toutes ses robes. On se sent princesses l’espace d’un instant avec tout ce que le bled représente : le sur-mesure !

Ce tableau unique en son genre ne peut se dépeindre par mes simples mots…

Quand à ce souk unique au monde où se mêlent olives vertes et tapis berbères, c’est très probablement l’ancêtre du centre commercial.

Les vacances au bled finalement ce n’est pas tant en soi la plage, la montagne ou les sorties en famille c’est surtout ce changement radical de vie. Cette culture qu’est la mienne m’adopte années après années et parfois elle me manque, d’autres fois  sur un ton moqueur mais bienveillant j’en ris mais surtout j’en suis fière, car elle porte mes ancêtres et ma religion se vit pleinement et ouvertement là-bas.

L’Adhan ou plutôt LES Adhan s’égrainent dans mes oreilles ; j’y découvre, tout en apprenant ma religion, que certaines coutumes sont intrinsèquement liées à l’islam comme le fait de manger de la main droite, d’accueillir le voyageur, de respecter son voisin, de prendre soin des personnes âgées etc.

2 mois, c’est court et long à la fois, je suis d’ici et d’ailleurs… Je ne suis pas comme vous ni comme eux finalement… Qui suis je ? Je me suis longtemps posée la question jusqu’au jour où j’ai compris que tout comme vous je suis un membre d’une très grande et très belle famille : la Oumma. Je suis musulmane.