Monsieur le Ministre,

Si je vous écris ce jour ce n’est ni pour vous lancer des louanges énamourées, ni pour vous jeter l’opprobre. Si je vous écris aujourd’hui, c’est guidée par la lassitude et l’incompréhension face à une énième tentative de l’Etat de s’approprier mon enfant. De quelle façon serait-ce possible pensez-vous ? Comment la République française, garante de notre liberté, de notre égalité et de notre fraternité pourrait-elle être coupable de cet enlèvement ? Voici donc l’explication.

Citoyenne intéressée par la vie publique et les réformes politiques de mon pays, j’aime me tenir au courant des orientations prises dans les divers secteurs de ma vie quotidienne et je suis d’autant plus à l’écoute lorsque ces mesures concernent ma chère progéniture.

Quelle fut donc ma surprise lorsque je vois fleurir un retour en force de la volonté d’inscrire la morale au programme de nos chérubins. Pourquoi pas… A un moment de délitement alarmant des valeurs et une régression affligeante du bon comportement, cela pourrait être un support supplémentaire pour les écoliers ayant une carence éducative. Morale oui, donc… mais quel petit mot, ô combien martelé ces derniers temps, vient s’accoler à cette idée respectable, je vous le donne en mille : « laïque ». Je dois vous l’avouer Monsieur le Ministre, à l’écoute de ce mot mon système pileux a une fâcheuse tendance à se dresser tout droit sur mon épiderme. Et là, summum de l’incrédulité et du désarroi, je lis la déclaration qui suit (je vous cite) : « Le but de la morale laïque est de permettre à chaque élève de s’émanciper, car le point de départ de la laïcité c’est le respect absolu de la liberté de conscience. Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix ».

Ainsi donc, selon vous, la morale est nécessairement l’apanage de l’irréligiosité ? La morale, par définition, n’est en aucun cas un cours de catéchèse ou de religion, c’est un moyen de véhiculer un ensemble de valeurs communes à tous pour nous permettre de vivre harmonieusement ensemble (bien que ces valeurs soient toutefois intimement liées à l’héritage religieux passé, mais passons !). Quel est donc l’intérêt de définir la morale par le terme « laïque » à part mettre en joue une fois de plus des parents dont la foi fait battre leur cœur ?

La citation est cependant selon moi encore plus choquante en ce qu’elle insinue, avec ces préjugés lourds de sens. Car votre argumentation tient au fait que l’Ecole est là, non pas seulement pour donner un socle commun de connaissance et de valeurs, mais elle aurait la vertu salvatrice d’extraire de pauvres créatures innocentes de l’endoctrinement parental. Votre conception de la vie et de la façon d’inculquer certains principes aux enfants seraient donc meilleures que la mienne ? Et quid de la différence, de l’héritage pédagogique, de la culture et de tout ce qui façonne un enfant pour en faire un adulte équilibré ? Le vécu de chacun et sa constructions dans la diversité de son milieu n’est-il pas source d’enrichissement et de partage pour chacun ? Mohammed, Marie et Yaël ne peuvent-ils pas simplement débattre, discuter, et être réunis pas leurs dissemblances ? Le rôle de l’Ecole ne serait-il pas plutôt d’apprendre le respect et la tolérance de tous ? Votre volonté semble malheureusement muée par un effort d’uniformiser nos enfants afin d’en faire l’adulte consensuel standardisé dont vous semblez rêver.

Maman aimante, respectueuse, volontaire, pédagogue, vigilante je le suis et quand je dis « je » c’est dans le sens universel, car bien sûr je m’exprime au nom d’une communauté musulmane trop souvent stigmatisée, mais aussi pour tous les parents qui ont pu se sentir blessés par cette intrusion dans leurs principes et dans leur mode d’éducation.

L’équipe d’Imane Magazine

Mamans et futures mamans déterminées et déterminantes.