On vous avait déjà parlé de Barakacity il y a plusieurs mois avec leur fameuse campagne ‘L’eau c’est la vie’. Depuis la dernière attaque israélienne sur Gaza ils ont décidé d’apporter leur aide là-bas. Interview à cœur ouvert, entre action et émotion.

Dans quelles conditions vous êtes-vous rendus à Gaza ?

On est une association humanitaire et on se doit d’agir où la communauté en a besoin. On agit beaucoup en réaction aux urgences donc lors de la dernière attaque israélienne qu’il y a eu, on a entendu qu’il y avait eu beaucoup de dégâts et qu’ils traversaient une crise dans le secteur médical. On essayait vraiment d’être au plus près de l’actualité, savoir combien de morts il y avait, combien d’infrastructures avaient été détruites et on se sentait impuissants. On sait qu’apporter de l’aide à Gaza, que ce soient des médicaments ou du matériel médical, c’est compliqué. C’est pour ça qu’on a essayé de trouver une solution pour rentrer à Gaza avec des associations qui avaient plus d’expérience dans cette région. A la base, ça a été une initiative personnelle d’Idris mais c’est vrai que toute l’équipe avait le désir ardent de se rendre sur place déjà pour constater et ensuite pour apporter de l’aide par nos propres services. On s’est renseignés pour voir comment on pouvait se rendre à Gaza. Une sœur qui fait partie de l’association Alif Lam Mim a entendu parler de notre volonté de partir et nous a dit de la contacter. Elle était en contact avec l’association Perle d’espoir qui a un bureau bien implanté à Gaza et il y avait un convoi humanitaire qui devait justement partir. Ce convoi était composé d’un secouriste, d’un infirmier, de plusieurs corps du secteur médical et donc ils nous ont proposé de faire partie de ce convoi dans le cadre de notre activité associative et c’est comme ca qu’on est partis là-bas.

Comment s’est déroulé votre séjour ?

On est parti avec l’association Perle d’espoir qui a apporté 850kg de matériel médical et de médicaments et nous on les a aidé financièrement à les acheminer jusqu’à Gaza. De notre côté, on est parti avec une certaine somme d’argent pour voir sur place comment faire pour acheter directement les médicaments et les acheminer à Gaza et voir ce qu’il était possible d’acheter de manière à les aider. C’est vrai qu’on a décidé de voyager léger pour éviter de s’encombrer. Pour une première fois c’était un moyen d’observer comment cela se déroulait sur place.

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De quoi ont concrètement besoin les Gazaouis? Qu’est-ce qui vous a paru manquer le plus ?

Ce qui me vient en tête tout de suite c’est l’emploi et l’eau.

Ça nous a surpris quand on a constaté que l’eau était salée et non potable. L’autre problème c’est qu’Israël leur vole l’eau potable pour leur revendre à des tarifs ahurissants. Le prix de l’eau est extrêmement cher et l’eau salée affecte à long terme les cheveux des femmes par exemple. Elles évitent de se les laver avec car au bout d’un certain temps elles perdent leurs cheveux. Ensuite il faut savoir que 8h par jour il n’y a pas d’électricité et ce sont les groupes électrogène qui prennent le relais lors des coupures.

A Gaza il y a pas mal de gens qui parlent français car il y a un département français à l’université, ça nous a permis d’échanger avec des étudiants qui nous ont dit clairement qu’il est parfois difficile de persévérer dans les études parce qu’ils savent pertinemment que même en obtenant leur diplôme, à la sortie ils n’auront pas d’emploi. A Gaza il faut être lucide il n’y a pas de travail.

A partir de nos observations, on a décidé de travailler sur 6 axes car pendant ces 3 semaines passées là-bas on a vu qu’il y avait un vrai besoin à combler dans ces domaines :

–          Parrainage de familles pauvres pour leur apporter un colis alimentaire tous les mois.

–          Parrainage d’orphelin qu’il faut prendre en charge dans le secteur alimentaire, vestimentaire, médical, scolaire.

–          Parrainage de handicapés : c’est un axe prioritaire car il y a énormément de handicapés (de guerre et de naissance) et il y a un réel besoin car peu d’associations s’occupent de cette problématique d’après les échanges qu’on a pu avoir avec eux. C’est compliqué pour eux car ils sont exclus de la société et c’est vraiment dur de vivre dans ces conditions. On a été voir par exemple une sœur qui n’a pas de fauteuil roulant. Pour se déplacer elle se déplace sur des béquilles alors qu’elle ne peut pas réellement tenir debout par ce moyen et elle souffre vraiment. C’est pour cela que dans le dernier convoi on a fait partir 20 fauteuils roulants et 2 ambulances.

–          Plan de commerce équitable.

–          Plan de développement durable.

–          Plan d’urgence médicale.

On est également en contact avec le département français de l’université. On va aller recruter directement chez eux pour essayer de revaloriser les jeunes diplômés. On va également leur apporter des fournitures scolaires et une aide logistique. Nos plans de commerce équitable et de développement durable ont également pour objectif de dynamiser l’économie et l’emploi.

On a décidé d’ouvrir notre bureau là-bas, avec notre directeur et une équipe technique et logistique, et on a obtenu nos cartes de résidence alhamdoulillah pour y aller quand on veut car le fait qu’on vienne d’aussi loin pour les voir, ca touche vraiment les Palestiniens.

Il est très difficile de se rendre en Palestine mais inchALlah, maintenant qu’on a nos bureaux sur place, on va essayer d’envoyer une délégation tous les 2 mois. On aimerait emmener des formateurs dans le domaine de la psychologie, dans le corps médical, et ça pourra être l’occasion que des personnes qui aiment la Palestine puissent apporter leur contribution.

Comment avez-vous perçu les Palestiniens ?

La mort fait partie intégrante de leur quotidien. On était là-bas quand on attendait de savoir si la Palestine deviendrait un Etat membre de l’ONU. Quand on leur a demandé ce qu’ils en attendaient ils nous ont répondu : « même si ca change quelque chose dans 10 ans, demain on va se réveiller et l’eau sera toujours salée ; demain on va se réveiller et il n’y aura pas d’électricité ; demain on va se réveiller et les prix seront toujours trop élevés ; demain on va se réveiller et Israël va toujours continuer à nous frapper. » Soit ils étaient vraiment contents de cette avancée politique, c’est indéniable, mais ce dont ils ont réellement besoin c’est qu’Israël tienne sa parole et les laisse vivre. On a rencontré le bras droit du Ministre de l’Education qui nous a expliqué que les enfants veulent profondément la paix. Ils ne sont pas dans l’attaque mais dans la riposte. Le blocus qu’ils vivent influe sur l’économie, sur le moral de la population et même les pêcheurs avec qui on a discuté nous ont dit : « on ne peut pêcher tranquillement. Quand on part travailler en mer, on n’est pas sûrs de rentrer en vie. »

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Comment s’organise la vie a Gaza ?

Ils ont réussi à mettre un bon système D en place et la plupart des familles ont un groupe électrogène qui fonctionne au fuel. Ce fuel là vient directement des tunnels d’Egypte car les prix sur place sont outrageusement élevés. C’est comme ça que le commerce et les activités arrivent à se développer la journée et mine de rien il y a beaucoup de monde à l’extérieur. Ce qui m’a frappé c’est la jeunesse de la population, il n’y a presque pas de vieux. Ces tunnels qui sont diabolisés je me suis rendu compte sur place que c’était vital pour les Gazaouis. Israël a empêché par exemple l’entrée de métaux récents alors que ca fait partie des choses essentielles (surtout quand maisons et infrastructures sont régulièrement détruites) et donc il n’y a pas d’autre solution que de les faire rentrer par les tunnels.gaza-barakacity-cadeau

Quel a été le moment le plus marquant et le plus fort de votre séjour ?

Durant ces 3 semaines on a rendu visite à des familles de martyrs, on est allés sur les ruines de maisons bombardées et j’ai été à plusieurs reprises dans la famille Dalou. Cette famille a perdu 13 membres des siens en un seul bombardement. Le père est parti chercher le pain et quand il est rentré sa maison était détruite. Un mémorial a été fait à Raffah (où on rentre pour accéder a Gaza). Ils y ont exposé les photos des corps calcinés des enfants de cette famille là et quand je suis rentré dans ce mémorial, je filmais et je prenais des photos mais à un moment donné on réalise l’horreur et même si je faisais cela pour diffuser la vérité de cette tragédie, la vue de ces images résonnait en moi et je me disais : « c’est sur ces décombres que tu t’es penché. C’est  au père de ces innocents que tu parlais quelques jours avant. » Là j’ai tout lâché face à l’indicible et pendant deux jours je marchais dans les rues dévastées de Gaza mais mon propre cœur était en ruine. Après cela tout a été difficile pour moi. Je suis allé là-bas armé de patience et en me blindant car je savais que j’allais vivre et voir des choses difficiles, beaucoup de personnes m’ont dit « Pars là-bas avec un cœur plein de miséricorde » mais après le passage dans ce mémorial la moindre chose me faisait craquer. A ce moment le drame a dépassé ma capacité à prendre du recul sur les évènements car ces atrocités dépassent l’entendement.

Un message des Palestiniens ?

Quand on est arrivés là-bas, ils nous ont demandé « pourquoi vous n’êtes pas venus avant? Pourquoi vous n’étiez pas avec nous plus tôt sur le terrain ?». Je leur ai dit que le soutien historique de la Palestine c’était le CBSP. Quand il y avait une attaque, qu’il y avait un besoin tout le monde passait par le CBSP mais eux nous ont répondu qu’ils attendaient notre présence sur le terrain, qu’on vive avec eux ce qui se passe. Ils nous ont dit « il faut être avec nous sur place, il faut nous soutenir dans vos dou3a, il ne faut pas lâcher la cause palestinienne car ce qui se passe en France on le suit. » Quand il y a une manifestation pro Palestine par exemple ils sont réellement touchés et leur cœur est empli d’émotion, de joie et d’espoir car ils voient qu’on est là et qu’on les soutient.

Pour faire un don barakacity.org

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