Je me demande qui est cet homme que je vois prier. Ses prosternations sont longues, si longues, je n’ai jamais vu une personne prier avec tant de dévotion. Sa psalmodie du Coran emporte mon cœur et fait frémir tous mes sens. Cette prière semble infinie car malgré les salutations finales il reste au sol et fais du dhikr encore et encore. Je regarde, j’observe m’abreuvant de ces douces paroles qui sont bien trop rarement les miennes.

« Le Sahour est un repas de bénédiction, ne le manque point même si vous ne prenez qu’une gorgée ; Allah et les anges bénissent ceux qui prennent le Sahour.»

 

Une fois ce moment d’intimité entre lui et le Seigneur terminé, il se lève et invite sa maisonnée en disant « Allons au repas béni » ; il mange trois dattes et boit quelques gorgées d’eau ; il salue les habitants de son foyer puis se dirige vers ce qui semble être le lieu de la prière en commun et s’assoit afin de lire quelques versets en attendant l’adhan d’Ibn Oum Maktoum. Il est le premier, mais il est peu à peu rejoint par une multitude de croyants ; cependant aucun ne possède la lumière qui illumine ses traits. L’appel à la prière retentit, c’est le plus merveilleux que j’ai jamais entendu, clair et pur, il éveille le corps et le cœur et l’on ne peut que se joindre à cette invitation. C’est encore une prière longue et lente, pleine de recueillement et de dévotion. Rien ne semble pouvoir troubler cet instant. Une fois finie, les croyants se rassemblent, ils évoquent la grandeur du Tout-Puissant, Sa générosité, Sa Miséricorde. Puis chacun se sépare, se saluant de la meilleur des manières. L’homme regagne son foyer et passe un long moment à méditer et à se rappeler d’Allah ta’Ala.

« Le messager d’Allah accomplissait des efforts pendant le mois de Ramadhan, comme il n’en accomplissait pas les autres mois »

 La journée suit son cours au rythme des prières, obligatoires en groupe et surérogatoires dans sa maison à l’abri des regards, précédées et suivies de la récitation du Livre Sacré et du rappel d’Allah. Je suis cet homme sans pouvoir m’en détacher, je l’observe répondre aux questions de chacun avec une infinie douceur, j’enrage lorsque des moqueries sont semées sur son passage alors que lui semble ne pas les entendre et qu’il se présente aux autres avec un visage radieux, je pleure lorsque des ignorants de la pire espèce le maudissent en prenant à témoin leurs idoles et que lui se contente de répondre : « Je jeûne, je jeûne ».

« La meilleure charité est celle accomplie durant ramadhan »

Cet homme semble dépourvu de biens matériels pourtant il donne à chaque personne qu’il rencontre, un sourire sincère, une aide, un conseil, un rappel, un vêtement, une poignée d’orge ou de dattes, il semble qu’il pourrait donner à chaque seconde et que cela ne le rendrait que plus riche.

 

« Mes serviteurs préférés sont ceux qui se hâtent de rompre le jeûne. »

Quelques minutes seulement avant la prière du maghreb il demande à son épouse de lui préparer de quoi rompre cette journée de jeûne ; il procède ainsi afin de lui éviter de perdre trop de temps à cette préparation et pour qu’elle aussi puisse profiter de ces journées bénies. De plus, il est si impliqué dans la méditation et si détaché des choses terrestres qu’il ne penserait guère à manger si cela n’était pas une manière de satisfaire son Seigneur. Il a convié des croyants à partager son repas ainsi que des nécessiteux et des orphelins.

« Rompez votre jeûne avec une datte, il s’y trouve des bénédictions. Si vous ne trouvez pas de datte, rompe- le avec de l’eau, car elle est pure. »

Ainsi, lorsque l’heure est venue, il rompt son jeûne humblement avec quelques dattes afin d’en retirer des bénédictions et un peu d’eau pour sa pureté et prononce ces douces invocations : « Ô Allah, j’ai jeûné pour Toi, et je romps mon jeûne avec ce dont Tu m’as pourvu, la soif est étanchée, les veines sont irriguées et la récompenses est confirmée si Allah le veut ». A peine a t-il terminé qu’il se hâte pour sa rencontre avec Le Créateur.

« Celui qui prie pendant le Ramadan, avec foi et espoir de récompenses, ses péchés antérieurs lui seront pardonnés »

Et voici que commence une longue nuit de prières. Après la prière de l’Isha, il effectue celle de tarawih, une récitation lente, profonde, intense, des gestes calmes, posés, sans précipitation, il semble que le temps se fige et que ce moment est éternel. Une fois terminée, il rentre parmi les siens, non pas pour se reposer mais pour continuer à prier dans l’intimité et le silence de ces nuits bénies. Ses prosternations sont si longues, je suis admirative devant tant de dévotion alors que moi, qui ne tiens plus debout, je me suis étendue .

« L’Ange Gabriel le rencontrait chaque nuit de ramadhan et lui enseignait le Coran. »

Enfin, il s’éloigne et ceci afin de rencontrer, me dit-il,  Jibril avec qui il étudiera le Coran le reste de la nuit. Je le regarde s’éloigner et la lumière qui l’enveloppe semble elle aussi se ternir.

L’obscurité est là. J’entends un son mais ne ressens plus cette chaleur et ce bien-être, tout semble si différent. Je me redresse. Je suis dans ma chambre, nous sommes au 3ème jour de Ramadan. Je reprends mes esprits. Ce bruit est mon réveil, je me rends à la cuisine où je constate amèrement l’abondance des restes de nourriture préparée la veille ainsi que la table gargantuesque dressée pour le repas du matin. Je réalise que dans mon songe je suivais le meilleur des Hommes, et que désormais, avec l’aide d’Allah ‘Azzawajel, je m’astreindrai à jeûner en suivant cet exemple, celui du Prophète Muhammad que les prières et la paix soient sur Lui ainsi que sa famille et ses compagnons.

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