Imane Magazine est un magazine féminin, mais force est de constater que les sujets liés au genre masculin sont légion ! La chronique de ce mois est ainsi dédiée aux hommes et à la façon dont ils nous perçoivent : et puis que serions-nous sans les hommes et vice-versa ? Partageons donc, le temps de cette saga, le regard que nos hommes portent sur nous et sur eux-mêmes !

Le père, dans la vie d’une fille, est essentiel à sa construction et à son épanouissement. Ses yeux sont une sorte de miroir, réfléchissant la valeur et la richesse de la femme qu’elle est devenue. Alors que fleurissent les reconverties, il nous semble intéressant de donner la parole à  ceux qui sont des témoins collatéraux de ce changement : les papas. Témoignage et vision sincère et personnelle de l’un de ces pères face à sa fille devenue femme ET musulmane.

Le voile de ma fille : signe témoin d’une conversion non annoncée…. mais pressentie.

S’agissant de sa culture religieuse, ma fille a baigné pendant deux décennies dans un notoire contexte d’athéisme familial. Sa philosophie de vie a été forcément également marquée par les Valeurs que je me suis attaché, avec sa mère, à lui inculquer. Elle aura probablement noté au fil des ans l’attachement de ses parents à des règles comportementales telles que la tolérance, le partage, le respect de l’autre et l’altruisme.

Je me souviendrai à vie du jour où j’ai vu ma fille porter le voile pour la première fois alors que nous devions sortir en ville faire des courses dans un centre commercial. Il s’agissait pour moi d’une suite logique à une histoire d’amour qui avait commencé à s’écrire avec son mari musulman pratiquant. Le jour en question, à l’instant où j’ai entendu ma fille portant le voile, soupirer en me disant « … et oui ! », je savais que je devais avoir une réaction de père responsable, logique avec mon credo de tolérance et digne de l’attente de ma fille par rapport au respect de sa récente conversion religieuse.

A cet instant, j’ai été obnubilé par un seul point ; s’agissait-il bien pour ma fille d’un choix délibéré ou d’une démarche fortement recommandée par son époux ? Ce fut ma seule crainte ! Je fus immédiatement rassuré à partir du moment où il s’agissait bien d’une décision réfléchie et où ma fille était consciente des implications sociétales que la démarche entrainerait inéluctablement.

Comme tout homo sapiens, j’ai des convictions mais n’ai pas la prétention de maîtriser la vérité et l’idéal de vie. En ce qui concerne le port du voile, je considère qu’il ne peut s’agir que d’un choix très personnel car induisant un mode de vie durable. Très sensible à la tolérance, je deviens bizarrement intolérant envers ceux qui s’insurgent contre le port du voile. Quelle différence avec les Sœurs qui ont fait des vœux religieux et qui choisissent dans la religion chrétienne de porter le voile ? A chacun de méditer au dicton de bon sens rappelant que « sa propre liberté s’arrête où commence celle d’autrui ». Attaché au tolérantisme, mon regard sur ma fille n’a évidemment pas varié depuis qu’elle porte le voile. En revanche, je suis conscient que cette vision d’un père pour sa fille est naturellement plus bienveillante et indulgente que pour le commun des mortels.

Depuis que ma fille porte le voile, je la pressens heureuse de témoigner aux autres sa croyance envers le Dieu qui a su la convertir. Je la perçois également, sans qu’elle en ait peut-être parfaitement conscience, plus regardée par les non musulmans car portant un signe ostentatoire de ses convictions et de la religion qu’elle a librement choisie. Dans un registre tout aussi contraignant (à mes yeux), bien que limité dans le temps, je la trouve très courageuse de pratiquer avec assiduité le mois du jeûne de Ramadhan et l’estime d’autant plus qu’elle montre une abnégation à ne tolérer aucun écart. Pour toutes ces raisons, je suis fier du caractère trempé et du courage de ses convictions dont fait preuve ma fille, peu soucieuse du « qu’en dira-t-on ? » lorsqu’elle est à l’extérieur, voilée comme une pénitente dont elle donne l’image.

Quid de mon regard sur les femmes voilées en général ? Le même que celui déjà formulé vis-à-vis de ma fille. Il convient toutefois de noter que le voile peut-être à mon sens des plus esthétiques si la femme qui le porte s’attache à en optimiser la personnalisation (tissus, chromatique, broche, etc.). Il peut être l’occasion de traduire la personnalité de celle qui le porte, lors d’un évènement festif ou simplement par envie de se différencier en évitant les standards et l’atonie du déjà-vu.

En conclusion, l’avis exprimé ci-dessus est forcément celui d’un occidental avec une seule conviction religieuse, celle consistant à ne pas en avoir, sans même avoir la suspicion de l’agnostique. Mes relations avec ma fille sont et resteront du registre de l’excellence. Ce n’est certainement pas un morceau de tissu qui aura le pouvoir de détruire l’amour que je lui porte, à elle, ses enfants et mon gendre. Ma fille le savait déjà lorsqu’elle s’est montrée voilée la première fois à ses parents : 100% de ses chromosomes lui dictaient que la tolérance est la bienséance des justes… et du juste choix !

Un papa

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