A l’heure où l’islam est souvent mis en opposition avec la liberté, l’épanouissement et les droits des femmes, il nous semble important de nous souvenir que cela est aux antipodes des objectifs de bonheur,  de développement personnel et d’égalité de tous les êtres. Les femmes étaient d’ailleurs des composantes à part entière de la société musulmane : impliquées, consultées, respectées, elles étaient des voix écoutées dans tous les domaines.

Mais qui furent les Mères des Croyants ? Pauvres et riches ; jeunes et âgées ; veuves, divorcées ou juste nubiles ; stériles ou fertiles ; lettrées ou analphabètes, etc., elles étaient un miroir de la société et leurs diversités firent de chacune des fenêtres ouvertes sur la façon de mener sa vie de femme et de croyante en accord avec les commandements divins tout en restant soi-même. Inspirons-nous de celles qui ont côtoyé le Prophète ﷺ au cœur de l’intime, ses femmes, et tirons des enseignements de leurs qualités.

Indépendante comme… Khadidja bint Khuwaylid

Femme divorcée par deux fois, c’est elle qui prit l’initiative de proposer à Mohammed ﷺ, d’environ 15 ans son cadet, de l’épouser. Commerçante, femme indépendante et autonome jonglant entre sa vie professionnelle, spirituelle et conjugale (elle donna 6 enfants au Prophète ﷺ), elle a toujours été un pilier de la communauté mais aussi de son mari. Elle l’a soutenu sans relâche, a été sa confidente et l’a conseillé lorsqu’il doutait, avait peur ou perdait espoir. Elle a été le témoin privilégié de la Révélation et le premier être humain à devenir musulman.

Leçon 1 : vous êtes votre propre limite. Vous êtes capable d’accomplir vos objectifs et de prendre des initiatives et des risques pour parvenir au résultat escompté. Votre force, votre ténacité et votre confiance en Dieu mais aussi en vous-même vous permet de viser les étoiles.

Empathique comme… Sawda bint Zemaʿa el Amawiya

Elle fut la première femme qu’il épousa après le décès de Khadijah, l’amour de sa vie avec laquelle il vécut durant 25 ans de façon monogame à une époque où multiplier les femmes était une coutume. Veuve, de condition modeste et âgée d’une cinquantaine d’années, Sawda (ra) arriva donc dans une famille meurtrie, endeuillée par la perte de la personnalité d’une femme d’exception et marquée par des années difficiles de mise au ban de la société mecquoise. Elle a su se faire une place en prenant sous son aile bienveillante les orphelins de Khadija et Mohammed ﷺ et en devenant le co-capitaine du foyer. Courageuse, drôle, aimant son prochain et dépourvue de jalousie elle fut un pilier de la maison en veillant sur ses co-épouses les plus jeunes, telle que Aïcha (ra).

Leçon 2 : la douceur, l’empathie, la simplicité et la bienveillance permettent de déplacer des montagnes. Nul besoin de s’imposer par la force, une attitude maternelle et la gentillesse sont des vecteurs de rassemblement et de paix.

Intelligente comme… Aïcha bint Abu Bakr

Avec Khadija, elle fut la femme la plus aimée de l’Envoyé ﷺ et l’aima profondément en retour. Mariée très jeune, elle se forma directement auprès du Prophète ﷺ et ses qualités d’observation et sa finesse d’esprit firent d’elle un témoin privilégié de qui fut le Prophète ﷺ dans l’intimité. Vive d’esprit, sagace, elle était aussi curieuse, espiègle et gaie. Sa grande mémoire fit d’elle un des plus grand transmetteurs de hadiths (plus de 2000) et elle était consultée dans les questions de jurisprudence par les plus grands Compagnons qui avaient un immense respect pour ses avis.

Leçon 3 : se former, se cultiver et s’instruire sont parmi les choses les plus aimées de Dieu. Pourvue d’un esprit vif et affûté, vous serez apte à défendre vos opinions, à donner des conseils avisés et à apporter votre pierre à l’édifice communautaire et familial.

Erudite comme… Hafsa bint Omar ibn al-Khattab

Elle était la fille du grand Omar ibn al-Khattab (ra). Le Prophète ﷺ l’épousa alors qu’elle devint veuve au alentours de 20 ans. Sa jeunesse, son intelligence, sa détermination et sa malice la rapprochèrent d’Aïcha avec laquelle elle entretint une belle amitié. Née dans une famille noble, elle bénéficia d’une éducation de qualité et fut instruite en langue arabe par une célèbre poétesse. Hafsa fut consultée sur des questions jurisprudentielles, par son père lui-même alors qu’il était calife. Lettrée et connaissant le Saint Livre par cœur, ce fut chez elle que fut gardé le premier exemplaire compilé du Saint Coran à la mort de son illustre père.

Leçon 4 : Les voix des femmes musulmanes manquent cruellement. A l’image de Hafsa, soyons prêtes à monter aux créneaux et à nous engager pour revivifier l’Esprit du Coran et pour engager des réformes profondes de nos actes et de nos cœurs. Cela passe par l’apprentissage éclairé du sens coranique qui donne aux femmes dignité, considération et valeur.

Altruiste comme… Zaynab bint Khuzayma

Elle est décédée seulement quelques mois après son mariage mais elle marqua son temps par son immense générosité. Favorisée par sa naissance, elle assista à de nombreuses scènes d’injustice qui lui donnèrent envie de s’engager envers les plus faibles. Elle fut ainsi surnommée la « Mère des pauvres ».

Leçon 5 : l’islam nous enjoint à détester l’injustice et à chercher à faire preuve de générosité et d’humanité en nous souciant du sort des plus mal lotis. Engageons-nous sur le terrain de l’humanitaire, multiplions les aumônes, donnons de notre temps pour ceux qui souffrent, offrons notre sourire et notre écoute : soyons charitable envers notre prochain.

Franche comme… Umm Salama Hend bint Abu Ummaya (Hind)

Elle fut parmi les premières converties à l’islam et sa force de caractère lui permirent de passer outre les intimidations et les épreuves et de conserver la tête haute dans une famille ouvertement hostile à l’islam. Veuve et mère d’enfants en bas âge, le Prophète ﷺ proposa d’épouser Umm Salama afin de lui éviter de vivre dans une situation difficile. Elle émit 3 réserves : elle avait peur d’être jalouse des autres épouses, elle se trouvait trop âgée et elle avait une famille à charge. Le Prophète ﷺ ôta ses doutes avec bienveillance et toute sa vie, Hind conserva son franc-parler, sa ferveur et fut un véritable soutien pour le Prophète (elle rapporta d’ailleurs des dizaines de hadiths et conseilla son illustre époux en certaines circonstances et notamment à l’occasion du traité d’al Hudaybiya). Une anecdote montre bien sa liberté de parole. Alors que l’impressionnant Umar ibn al-Khattab était venu réprimander les Mères des croyants pour la façon dont elles parlaient au Prophète ﷺ, Umm Salama lui répondit vertement : « Qu’est-ce qui te permet de te mêler des affaires familiales de l’Envoyé de Dieu ? Certes, il nous permet de lui dire ce que nous pensons. Mais s’il nous l’interdisait, il nous trouverait très obéissantes. »

Leçon 6 : loin des clichés de la femme docile et inepte à donner son avis, la musulmane a droit au chapitre et sait l’exprimer ! Dites vos envies, vos joies, vos colères et vos rêves : soyez les dignes héritières de nos modèles, les Mères des Croyants, qui brillèrent par leur clairvoyance et leur franchise.

Généreuse comme… Zaynab bint Jahsh

Réputée pour sa grande beauté, on oublie souvent que Zaynab (ra) était aussi connue pour sa grande générosité. A l’orée de sa vie, les épouses du Prophète lui demandèrent laquelle d’entre elles mourrait après lui. Il répondit : « Celle qui me rejoindra la première est celle dont le bras est le plus long. » Alors que ses femmes comparèrent la taille de leurs membres, il s’avère que cette phrase était métaphorique et désignait en fait celle de ses épouses qui donnait le plus d’aumônes. Zaynab décéda ainsi peu après son bien-aimé mari ﷺ.

Leçon 7 : on ne se résume pas à notre apparence. La plus grande beauté est celle de l’âme et on ne sera jugés que sur notre cœur et nos actes. L’attachement aux biens matériels est une ancre dans la vie d’ici-bas. Délestons-nous de ces poids et multiplions les gestes généreux.

Pieuse comme… Juwayriya bint al-Harith

Issue d’une tribu juive qui fut vaincue par le Prophète, elle fut parmi les captives et échut à un Compagnon. Maltraitée par la femme de ce dernier, elle supplia l’Envoyé ﷺ de l’aider. Celui-ci vint à son secours et sa noblesse de caractère toucha la jeune femme. Elle se convertit à l’islam et le Prophète ﷺ proposa de l’épouser. Elle fut une véritable bénédiction pour sa tribu qui fut relâchée sans rançon en raison de sa parenté nouvelle avec le Prophète ﷺ, mais elle fut aussi la cause de la conversion de son père et de nombreux autres Banu Mustaliq. D’une grande piété et multipliant les actes cultuels, sa dévotion était grande et elle finit sa vie de façon paisible, respectée par tous et loin des tourments politiques qui suivirent le décès de l’Envoyé ﷺ, consacrant son temps aux adorations.

Leçon 8 : Nous avons été créés pour adorer Allah. Tel doivent être le but de notre vie et le fil conducteur de chaque acte de notre quotidien, que cela soit dans la ferveur en matière d’actes cultuels mais aussi dans notre volonté de satisfaire Allah en toutes circonstances.

Déterminée comme… Ramla bint Abi-Sufyan (plus connue sous le nom d’Oum Habiba)

Fille d’Abu Sufyan et Hind, Quraychites nobles parmi les plus puissants de la Mecque mais aussi les plus virulents à l’encontre de l’islam, Ramla fut toutefois touchée par le message islamique et se convertit secrètement. Lorsqu’il l’apprit, son père tenta de la faire renoncer à sa foi. Elle choisit d’émigrer en Abyssinie avec son mari pour préserver sa religion au détriment de tous les privilèges qu’elle avait. Cependant, son mari apostasia et devint chrétien. Il tenta de la persuader de le suivre dans cette voie mais elle resta ferme. Celui-ci mourut peu après. Elle se retrouva seule avec sa fille Habiba et resta courageuse et persévérante malgré les épreuves.

Le Prophète ﷺ eut vent de l’histoire de Ramla et de l’admiration et du respect que lui portaient ses coreligionnaires. Après la prise de la Mecque, le Prophète ﷺ contracta un mariage pour ces raisons et pour sa filiation qui permit de sceller l’entente entre les deux parties.

Leçon 9 : Même si certains de nos choix sont porteurs de conséquences pas toujours évidentes à gérer ici-bas, inspirons-nous de ces femmes qui n’ont pas hésité à tout sacrifier pour être cohérentes avec la foi qui les animait.

Attentionnée comme… Safiya bint Ho-Yay

Elle était la fille d’un chef de tribu juive hostile à l’islam. Elle fut capturée et, amenée devant le Prophète ﷺ, il lui proposa de rentrer chez elle ou de devenir musulmane et de rester à Médine. Elle se convertit sans attendre. Par la suite, le Prophète ﷺ lui proposa de l’épouser ce qu’elle accepta aussi vite étant donné qu’elle avait eu des signes (rêve prémonitoire notamment) lui donnant un aperçu de sa destinée.

Mature, belle et intelligente, elle fut un peu jalousée par ses co-épouses et l’une d’elle émit des critiques sur ses origines juives, ce qui la peina. Le Prophète ﷺ réprimanda l’indélicate et consola Safiya en lui disant de répondre à ce type d’attaque : « Je suis la fille d’un messager (Haroun), mon oncle est un messager (Moussa) et mon époux est un messager ! ».

Le temps aidant elle trouva sa place au sein du foyer et se lia avec les plus jeunes. Très bonne cuisinière, elle faisait parvenir des mets de sa préparation même lorsque le Prophète ﷺ se trouvait chez une autre de ses femmes. Elle donna également certains de ses bijoux à ses co-épouses. Tendre, aimante, joyeuse et attentive au bien-être de son mari et des autres, le Prophète ﷺ reconnut sa sincérité et sa fidélité sans faille.

Leçon 10 : Se soucier des autres et de leur bien-être permet d’instaurer des relations d’affection et un climat de confiance. Le fait d’être serviable et prévenante crée les conditions propices à la sérénité et au partage. Un caractère doux est une preuve de force et permet de tisser des liens mais aussi de les consolider. Cela permet d’exprimer une opinion ou un désaccord avec diplomatie et de se faire mieux comprendre.

Gardienne des liens familiaux comme… Maymouna bint al-Harith

C’est celle qui avait le plus de liens de filiation avec le Prophète ﷺ. Elle dut rester à la Mecque et dissimuler sa foi jusqu’à l’année qui suivit le traité d’Hudaybiya, année durant laquelle les musulmans purent entrer pour la première fois à la Mecque faire la Omra. A cette occasion, Maymouna exprima son souhait de devenir une des épouses de l’Envoyé ﷺ, par la voix d’un parent commun Al Abbas (ra), ce qu’il accepta. Elle est reconnue pour sa gentillesse et le fait qu’elle était très attachée à sa famille qu’elle visitait souvent.

Leçon 11 : Préserver les liens du sang est un devoir essentiel. Cela permet de consolider une des bases essentielles de la société musulmane : la famille. Visiter, rendre service, faire preuve de bonté et de gentillesse et tenter de résoudre les éventuels conflits sont autant de façons de renforcer la structure familiale. De nombreux versets et hadiths nous poussent à être particulièrement attentifs à cela. Un bel exemple est celui-ci : « Celui qui respecte les liens familiaux n’est pas celui qui est bon lorsqu’on est bon avec lui. Plutôt, c’est celui qui restaure les liens lorsqu’on les coupe.» 


Sources :

Les premières femmes de l’ islam, Abou Oussama & Malika Dif

http://aboutislam.net/