Partir vivre dans un pays musulman, un souhait que beaucoup de musulmans de France ont plus ou moins secrètement. Certains profitent d’une opportunité professionnelle, d’autres en feront un projet de famille, d’autres encore quitteront tout sur un coup de tête pour partir vivre ailleurs. Voici aujourd’hui le témoignage d’une sœur dont le voyage a été une expérience professionnelle mais aussi et surtout une redécouverte spirituelle de l’Islam à travers différentes anecdotes et épreuves durant son voyage.

Mes parents sont nés en Algérie et sont venus s’installer en France après leur mariage. Ils ont eu 5 enfants, 3 filles et 2 garçons. Je suis la dernière de cette fratrie. Nous avons eu une éducation plutôt « arabe » qu’islamique. Notre mère nous a toujours demandé de ne pas manger de porc, ni boire de l’alcool. Mais malheureusement, rien par rapport à la prière. Je me souviens de la première fois que j’ai prié, je devais avoir 17 ans…
A vrai dire, j’avais une vision erronée de l’Islam. En fait, je trouvais déplacé qu’une femme se voile en étant dans un pays non musulman (je faisais partie des personnes qui affirmaient que le voile se portait dans le cœur). Je pensais être musulmane, mais je ne priais même pas! A l’heure d’aujourd’hui, je me rends compte que mon cœur était voilé.
En 2006, à l’âge de 21 ans, j’ai décidé de reprendre mes études que j’avais arrêtées après une année de fac catastrophique. J’ai donc repris à la faculté en LEA (Langues Étrangères Appliquées). Pour ma troisième année je devais effectuer un stage de 4 mois en entreprise. Apres avoir envoyé de nombreuses candidatures en France sans succès, un ami me donne un contact à Dubaï. J’ai envoyé ma candidature et j’ai été retenue Alhamdoulillah!

En route pour ce pays ! Dubaï, j’en avais déjà entendu parler mais je n’étais pas allé chercher plus loin !


>> Mon arrivée à Dubaï
Je suis partie avec une autre étudiante. Une de ses amies, hôtesse de l’air pour la compagnie aérienne Émiratie, a pu nous héberger le temps de trouver un logement.
Le lendemain de notre arrivée, nous sommes sorties dans un centre commercial, et j’ai été assez surprise. J’ai vu une fille, vêtue d’une abaya ouverte, portant un jean moulant, chaussures à
talons aiguilles, son voile ne recouvre que l’arrière de sa tête (il tient grâce a une GROSSSEE barrette à cheveux), des lentilles de contact bleues, une épaisse frange brune oxydée, un rouge à lèvres rouge orangé, et du vernis à ongle rouge sang. Je pensais que c’était un jour spécial (type Halloween O_o). La suite de mon séjour m’a prouvé que ce n’était pas un jour spécial, mais un jour normal !

En fait, j’ai vite été confrontée à une vision fausse de l’Islam. Les locaux renvoient l’image de personnes froides, arrogantes, condescendantes et cela m’a forcé à apprendre ma religion. Je sentais que ce type de comportement n’était pas bien. Plus je rencontrais des personnes avec ce type de comportement, plus je me renseignais sur l’Islam. Le fait de me retrouver toute seule, face à moi-même avec Allah, m’a fait prendre conscience de la religion. J’ai commencé à faire ma prière de manière fidèle, constante, à me rendre à la mosquée, à étudier l’Islam, à apprendre la vie de notre Prophète Muhammed (sallAllaahu ‘alayhi wa sallam), jusqu’au jour où, j’ai décidé de porter le Hijab !
Et c’est quand Allah m’a ouvert les yeux que j’ai compris que quelque chose me dérangeait à Dubaï. Même la manière de porter le voile a été pervertie! J’avais rencontré des filles d’un institut pour reconverties (cours d’arabe, de religion, etc.), et leur manière de porter le voile correspond à celles des locales (c’est à dire avec la grosse barrette a cheveux et le voile transparent). Et lorsque j’en ai fait la remarque à une fille, elle m’a simplement répondu que ce n’était pas beau sans sa barrette… J’ai plus l’impression que la religion est pratiquée par ostentation & tradition que par foi & conviction.
Tout n’est pas noir et ce que j’appréciais le plus à Dubaï, c’est le fait d’avoir sa pause pour les prières (15minutes par prière). De plus, pendant le mois de Ramadan, les horaires sont aménagés avec 2h en moins par jour. Ma journée type pendant le Ramadan : se lever pour le sobh, manger, prier, lire le Quran, se préparer pour le travail, revenir du travail, se reposer, cuisiner, casser le jeune, prier, manger, se préparer pour salat ‘Isha puis partir à la mosquée pour ‘Isha et Tarawih. Un super mois de Ramadan alhamdulilah! On ne veut pas que ça se termine!

Le réveil fut un peu brutal le jour de l’Eid. Je pouvais en effet supporter la solitude pendant le Ramadan, mais ce jour-là c’était autre chose. L’année de mon arrivée, j’étais en larmes lorsque j’appelais chez moi pour souhaiter l’Eid! Pour l’année suivante, j’ai relativisé et pris cela avec philosophie. J’ai eu une agréable surprise pour le Ramadan de l’année 2010…

Quelques jours avant la fin, apres le Maghreb, je me rendis comme à mon habitude à la mosquée pour assister à la salat de Isha et Tarawih. La salle de prière pour femmes est située à l’étage supérieur. On peut y accéder par l’ascenseur ou par les escaliers. Ce jour-là, lorsque j’ai ouvert la porte de la mosquée, j’ai vu une femme très âgée assise par terre. Elle pensait que le hall était la salle de prière pour femme… Je l’ai donc accompagné jusqu’à la salle de prière pour femme. Cette dame ne parlais que le Khaleej (Arabe dialectal du Gulf) et moi, bah moi je m’exprimais en arabe! Nous avons tout de même réussi à nous comprendre.
Apres le Tarawih, je l’accompagnais jusque chez elle. J’ai réussi à me faire comprendre en lui disant que je passerai la chercher le lendemain pour Salat Isha. 3 jours avant la fin du Ramadan, lorsque j’attendais ma petite vieille, son fils et sa femme sortirent de chez eux pour venir à ma rencontre et me saluer et faire connaissance. Ils m’invitèrent à passer Eid avec eux.
Le jour de Eid, je me lève tôt le matin, me prépare pour salat Eid, je m’y rends et vais acheter un plateau de gâteaux. Par la suite, je me rendis chez les locaux, ils m’accueillirent tous chaleureusement! Ma petite vieille était là, et elle me serra fort dans ses bras. J’ai tellement aimé cette famille avec qui j’ai noué une relation très forte! Je craignais d’être seule pour l’Eid, et Allah a mis sur ma route cette famille modeste et croyante!
Je leur avais annonce mon intention de repartir en France et je leur ai demandé de ne pas dire à ma petite vieille que je partais. Je m’étais beaucoup attachée à elle, et c’était réciproque. A chaque fois que je me rendais chez eux, elle s’asseyait à cote de moi, me parlait, prenait ma main et l’embrassait … Elle me manque beaucoup.
Grace à cette rencontre, je me suis rendu compte que tous les locaux n’étaient pas pareils. Je n’étais plus écœurée mais j’en plaignais beaucoup. Je n’ai jamais vu des gens qui jouent autant avec les apparences… les hommes se pavanent dans leur voitures de luxe, les filles exhibent une partie de leur corps et sont accrocs a la chirurgie esthétique et tout ce qui a attrait au luxe

Je suis très fière et très heureuse d’avoir rencontré cette famille qui a changé ma vision des choses.


>> Mon « come back » en France…
Pour des raisons personnelles et professionnelles, j’ai décidé de rentrer en France après 3 ans de vie à Dubaï… C’est une décision que j’ai muri au fur et à mesure d’épreuves : solitude, maladie, début de dépression…

Je connaissais la situation des musulmans en France et j’appréhendais mon retour. Cela fait maintenant, cela fait 2 mois que je suis rentrée en France, et je souhaite déjà repartir. Le plus tôt sera le mieux. J’aurais aimé pouvoir me marier et faire Hijra avec mon mari inshaAllah. Mais ce n’est pas le cas… Kheir inchaAllah.
Je ne supporte pas cette ambiance, je ne sors même pas de chez moi! Les gens me regardent de travers. Ces contraintes vestimentaires me pèsent beaucoup. Oukhty fillah, je vous trouve toutes très courageuses de porter le Jilbeb et le Niqab. Je ne suis pas courageuse comme vous, et je préfère fuir et choisir la facilité. Fuir ce pays qui ne m’a jamais accepté, et qui maintenant me montre du doigt comme si j’étais une criminelle. On criminalise les musulmans. Je n’ai jamais trouvé ma place dans ce pays, et maintenant, je ne veux plus la trouver. Je ne conçois pas d’élever mes enfants (inshaAllah) dans un pays où, le gouvernement monte les communautés les unes contre les autres. Où nos enfants vont-ils apprendre la différence? La différence se cultive, ne se cache pas. C’est en combinant les différences que nous avançons.
A Dubaï, il y a tellement de nationalités subhanaAllah! J’ai l’impression d’avoir fait le tour du monde! Cette expérience a été tellement enrichissante humainement, que je ne peux me résoudre à rester en France. On nous rabat les oreilles avec le Halal, le Voile, Le Niqab tandis qu’aux Emirats, qui est un état islamique, personne ne dicte la manière de s’habiller à qui que ce soit. Vous pouvez voir des filles en micro jupe et une autre femme voilée de la tête aux pieds. En France, c’est le gouvernement qui nous dicte notre manière de nous vêtir et c’est aberrant !

Je souhaite travailler mais je ne veux pas enlever mon voile, je ne veux pas serrer la main des hommes. Je ne veux pas faire de concessions parce que je sais que c’est possible de vivre comme je veux, autre part. De plus, j’aimerai vraiment porter le Niqab inshaAllah.

Qu’Allah facilite les choses à tous les musulmans du monde entier.
Je remercie Allah de m’avoir laissé seule avec Lui pendant tout ce temps…

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