Nous avons choisi de vous présenter pour cette première saga consacrée aux Compagnons, des personnalités et des profils très divers afin de percevoir le pouvoir fédérateur et universel de l’islam. Ainsi, après avoir parcouru la vie trépidante d’Abu Bakr, après avoir admiré le courage de Bilal ibn Rabah, versons quelques larmes d’émotion et de joie sur un martyr atypique, Mus’ab ibn ‘Umayr. RadhiAllahou’anhou.

Une jeunesse dorée

Né à la Mecque au sein de l’élite, Mus’ab ibn ‘Umayr était un privilégié doté d’une aura attractive et quiconque l’approchait succombait au charme de ce jeune homme séduisant, séducteur, et très cultivé. Toujours apprêté et extrêmement coquet, il était adulé des jeunes filles mecquoises qui se pâmaient devant ce beau représentant de la jeunesse dorée et avaient toutes le secret espoir de gagner le cœur de l’un des meilleurs partis de la cité. Gâté par ses parents, fiers de ce fils respecté et aimé, il était choyé et vivait dans un milieu où les divertissements et l’insouciance étaient légion.

musab-ibn-umayr

Premiers pas dans l’islam

Cependant, malgré les apparences, il était de ceux que les paroles du Prophète salaLlahu ‘alayhi wa salam touchèrent véritablement et amenèrent à une remise en question complète sur son mode de vie, ses buts et ses aspirations. Il se mit à fréquenter assidument la maison d’Al-Arkam où se réunissaient le Messager salaLlahu ‘alayhi wa salam avec les premiers convertis : il a alors compris la futilité de sa vie et de son comportement superficiel. Mais comment adopter ce virage radical, alors même que Mus’ab était connu et se devait de ne pas faire de vagues, eu égard à sa famille et son rang ? Il essaya de  rester discret et de ne pas révéler sa conversion mais l’humain étant toujours friand de ragots, la nouvelle de sa foi naissante parvint bientôt aux oreilles de ses parents. Fous de rage, de douleur et de honte, ses parents tentèrent par tous les moyens de lui faire abjurer l’islam, cette religion rassemblant les parias de la Mecque et dénigrant leurs traditions ancestrales. Sa mère, Khunnas Bint Malik, alla jusqu’à l’emprisonner en le privant d’eau et de nourriture. Il put cependant s’échapper et émigra avec d’autres en Abyssinie. Le Prophète salaLlahu ‘alayhi wa salam dit à son propos « J’ai vu Mus’ab Ibn ‘Umayr à la Mecque alors qu’il n’avait pas son pareil dans la considération et les faveurs de ses parents. Mais il a tout abandonné pour l’amour de Dieu et Son Messager. » [At-Tabarani, Al-Hakîm et Abû Nu`aym dans sa Hilyah]

Abandon de l’apparence, embellissement de la foi

Lorsqu’il revint à la Mecque, sa métamorphose était spectaculaire et il était devenu méconnaissable. Lui qui vouait quasiment un culte à l’apparence et était toujours vêtu à la dernière mode, était désormais devenu un ascète, habillé d’une unique soutane usée, ne cherchant à présent qu’à embellir sa foi. L’affront fut trop grand pour ses proches qui le renièrent et le déshéritèrent.

Mus’ab avait ainsi perdu l’estime et le respect de ses parents, mais avait gagné l’amour et la considération du meilleur des Hommes. Décelant des qualités d’orateur exceptionnelles chez ce très jeune homme, le Prophète salaLlahu ‘alayhi wa salam lui accorda sa confiance pour une mission d’une extrême importance. Mus’ab fut le premier émissaire de l’islam à Médine en vue de préparer une émigration sereine et de commencer à diffuser le Message.

L’émissaire

Son charisme, son éloquence et sa finesse d’esprit parvinrent à convaincre de nombreux dignitaires, et même parmi les plus récalcitrants, en témoigne l’histoire de ‘Usayd Ibn Hudayr qui était un des plus courageux et féroces des guerriers Ansars. Ce dernier était prêt à en découdre avec Mus’ab et avait décidé de le chasser par la force car il ne supportait plus que cet étranger vienne dans sa ville pour détourner les Médinois de leurs traditions. Il lui intima de quitter la ville tout en le menaçant de sa lance. Tout sourire, Mus’ab lui dit « Pourquoi ne pas t’asseoir avec nous et écouter ! Si le discours te plaît, tant mieux. Sinon, tu n’auras rien perdu et nous t’épargnerons ce que tu répugnes d’entendre… ». Avant la fin du prêche, Usayd était devenu musulman. Son exemple influença d’autres notables.

Ainsi, l’islam déferla bientôt dans les foyers de Médine et de nombreux hommes et femmes, des plus modestes aux plus opulents, furent conquis par cette sage religion de paix prônant l’équité et un humanisme universel. Lors de la Hijra, les musulmans ont ainsi eu la joie d’arriver dans une ville favorable à leur venue, dans un climat bienveillant, et avec des habitants prêts à embrasser l’islam ou du moins à vivre en bonne intelligence avec les nouveaux adeptes de la religion musulmane. Mus’ab, malgré son inexpérience apparente, a réussi à conquérir Médine par ses mots, et c’est d’ailleurs pour cela qu’on le connait sous le surnom de « premier ambassadeur de l’islam ».

Le martyr

La bataille de Uhud sonna son glas en 625. Choisi pour porter l’étendard des musulmans, il honora sa fonction jusqu’à son dernier souffle, défendant de toute sa force et son ardeur le Messager salaLlahu ‘alayhi wa salam. Alors que beaucoup désertèrent le champ de bataille, il fut parmi les quelques hommes qui firent bouclier autour du Prophète salaLlahu ‘alayhi wa salam afin de le protéger de la haine des polythéistes. Répétant inlassablement «Muhammad n’est qu’un Messager. D’autres messagers sont venus avant lui…» face à ses ennemis qui lui tranchèrent une main, puis l’autre, il périt finalement sous les coups de ses assaillants et le valeureux Compagnon s’écroula sur le sable, tenant entre ses moignons la bannière des musulmans, symbole du combat le plus précieux de sa vie.

Lorsque le Prophète salaLlahu ‘alayhi wa salam aperçut la dépouille de Mus’ab, son visage fut baigné de larmes et il dit « Il est, parmi les croyants, des hommes qui ont été sincères dans leur engagement envers Allah. Certains d’entre eux ont atteint leur fin, et d’autres attendent encore; et ils n’ont varié aucunement (dans leur engagement). » [Al-Ahzab, verset 23].
Puis, le Messager salaLlahu ‘alayhi wa salam  embrassa de son regard tous ses braves Compagnons qui s’étaient éteints ce jour-là et ajouta : « Le Messager d’Allah est témoin que le Jour de la Résurrection, vous allez être regroupés comme martyrs par Allah. »
Puis se tournant vers les Compagnons qui l’entouraient, il dit : « Ô gens ! visitez-les, saluez-les en leur souhaitant la paix. Par Celui qui détient mon âme, à tous les musulmans qui les salueront jusqu’au Jour de la Résurrection, ils vous retourneront le salut. »

L’ironie du sort voulut que Mus’ab, qui accordait jadis tant d’importance à son image, sa prestance et sa beauté extérieure mourut mutilé mais martyr, comme un signe que c’est ce jour-là- moment fatidique où aux yeux des humains il avait perdu de sa superbe- qu’il ne fut jamais aussi beau pour Allah souhanou wa ta’ala.

« Quiconque reçoit une blessure au service de Dieu viendra le jour de la résurrection avec cette blessure saignante. Sa couleur est celle du sang et son odeur est celle du musc« . [Al-Boukhari, Muslim]